par Hugo Suckman

Dans quelque situation que ce soit, fête ou fusillade, la bande sonore de Rio est samba et funk. Parfois les mélanges de cette ville mélangée. Fernanda Abreu est l’alchimiste de cette diversité, traductrice infatiguable des sons et des sujets de cette ville qu’elle aime tant.

Parfois un peu plus funk, comme sur ces premiers disques qui célébraient les trépidentes nuits cariocas (“Sla radical dance disco club” et “Sla 2 be sample”), parfois subtilement plus samba, comme avec le cavaquinho et la guitare à sept cordes (une invention brésilienne pour la grande famille des guitares) du disque le plus récent “Na paz” (“En paix”), le fait est que Fernanda fait de la musique carioca.

C’est à dire, de la musique brésilienne que les cariocas et les brésiliens reconnaissent immédiatement comme telle. De la musique brésilienne telle qu’elle est faite aujourd’hui, typique, mais sans folklorisations, cosmopolite et profondément locale. Qui parle d’un Rio réel, du peuple joyeux, plus d’un quotidien difficile divisé entre beauté et violence. Mais comment pourrait-on parler de n’importe laquelle des grandes agglomérations urbaines d’une planète pleine de beautés et de violences, que ce soit New-York, Bagdad, Madrid ou Jérusalem, n’importe quel lieu dans lequel explosent, sans cérémonies, des baisers et des bombes.

L’hymne de ce Rio est d’elle (et de ce monde) d’aujourd’hui, “Rio 40 degrès”, samba funk faite il y a de cela dix ans qui a connue un destin de classique, surprenant tous ceux qui pensaient que Fernanda était seulement une célébratrice hédoniste de la club culture carioca. Avec “Rio 40 degrès” – titre référent au film de Nelson Pereira dos Santos de 1954, marque du fondateur du cinéma moderne brésilien – elle décrivait un monde en devenir, à travers la description d’une ville chaude en temprérature comme en pulsations. “Rio 40 degrès/ Ville merveilleuse/ purgatoire de la beauté et du chaos/ Capitale du sang chaud du Brésil/ Capitale au sang chaud/ Du meilleur et du pire du Brésil”.

Le destin pionnier de cette carioca du Jardim Botânico – quartier entre le lac et la forêt de Tijuca, sous la protection du bras droit de la statue du Christ Redempteur – fut définie encore plus tôt, quand elle devint chanteuse de la Blitz, groupe que au début des années 80 commença le mouvement que fut connue comme Rock Brasileiro.

Depuis 1986, quand la Blitz est finie, Fernanda a fait des petits shows et des participations dans disques. Elle a aussi rencontré ses amis, musiciens comme Laufer, poètes comme Fausto Fawcett, videomakers comme Sérgio Mekler, artistes comme Luiz Stein (son mari et le père de ses deux filles), artistes multimedia avec qui elle a inventé la samba funk, carioca et universelle, qu’est devenue sa marque registrée. Elle a crée une nouvelle carrière, un nouveau regard sur la musique et un nouveau repertoire. En 1989, Fernanda était mature pour enregistrer son prémier disque en solo, “Sla Radical Dance Disco Club”, qui a crée, au rythme du funk, une nouvelle bande sonore pour faire danser tout Brésil.

Muse de la dance music brésilienne, Fernanda part pour son deuxième disque. Elle aproffonde la mélange samba funk et s’inspire directement dans l’ouvre de l’inventeur de cette mélange, le premier alchimiste, Jorge Ben, auteur de “Jorge da Capadócia”. Elle lance son chef-d’oeuvre, “Rio 40 degrées”, le disque que la consacre en defintif.

Muse de la samba funk brésilienne, Fernanda lance son troisième disque, “Da lata” (1995), une expression que designe quelque chose de très, très, très bon. Une lata (espèce de boîte métallique) est aussi un objet que sert à faire de la percussion. C’est aussi le disque où, avec beaucoup de hits, Fernanda définie son concept de la samba funk et sa vision artistique de mélange. Sur “Veneno da lata” elle dit: “Suingue-balanço-funk/Est le nouveau son sur la rue/Batuquesamba-funk/C’est le poison de la lata”. Sur “Garota sangue bom” elle invente son personnage idéal, “la fille carioca avec du bom suingue, bon sang”. Sur “Tudo vale a pena”, elle célèbre sa ideologie des mélanges: “Bon peuple/Danse la samba et le funk/ Et a du rythme même dans son regard/ Du rythme quand elle marche.” Voilà, Fernanda avait établie la langage musicale et les thèmes qu’elle allait déveloper sur ses deux prochains disques, “Raio X” et “Entidade urbana”, utilisant toujours les nouvelles langages brésiliennes.

Sur “Raio X”, Fernanda célèbre son marriage avec la samba en chantant deux sambas classiques des carnavais d’antain, “Aquarela Brasileira” et “É hoje” (tous les deux un peu funk maintenant). Sur “Entidade urbana”, comme le titre lui même indique, elle va jusqu’au boût des douleurs et des plaisirs des grandes villes contemporaines. D’un point de vue naturellement carioca, elle avoue sur “Sou da cidade” le sens de as musique urbaine: “São Paulo/Osaka/Seoul, Beijing/Rio ou Jakarta/Et Bombay/Ce sont tous des villes/Tout est pareille/En n’importe quelle langue/C’est générale”.

“Na paz”, son disque le plus récent et mature, est une réponse musicale à la violence dans le monde. À la couverture, des fleurs sortent d’une arme. Musicalement, la mélange samba funk va au-délà du rythme: elle est inscrite sur la structure même des chansons qui parlent de Rio, des villes et du monde. Et pourtant, le coeur de ce nouveau disque est une proposition pour la civilisation brésilienne, un thème essentiel pour Fernanda. Comme elle dit sur la chanson “Brasileiro”, sa version d'”Angolê”, du musicien angolais Teta Lando, la prémière incursion de Fernanda à la musique africaine, fondatrice de la musique brésilienne: “Ça ne regarde à personne si tu es blanc/Ça ne regarde à personne si tu es mulato/Ça ne regarde à personne si tu es nègre/Ce qu’est important est ton envie de faire un meilleur Brésil”.

Fernanda Abreu est l’inventeur de sa propre langage, l’une des plusières langages possibles au panorama de la moderne musique brésilienne. Et le résultat, malgré toute sa complexité, est encore pop. C’est la fête.